Les Etats-Unis et l’Europe: L’alliance lorsqu’elle cède la place à la confrontation

L'OTAN et la zone de libre-échange transatlantique sont ce qui le plus unifie les Européens et les Américains. Mais ils renferment beaucoup de bombes à retardement.
Pendant les quelques années passées, le Conseil de sécurité a assisté, plus d'une fois, à la mise en échec, par la Russie et la Chine, de plusieurs projets de résolution visant à porter atteinte à la Syrie. Cela paraît assez ordinaire étant donné les antagonismes en cours entre ces deux pays, d'une part, et les pays occidentaux dirigés par les Etats-Unis, d'autre part.
Mais ce qui ne fut pas ordinaire du tout, sous la même optique, est l'engagement, de l'Allemagne et de la France aux côtés de la même Russie et la même Chine pour constituer ensemble, il y a onze ans, un «axe de la paix» qui, jusqu'au dernier moment, a manifesté son opposition à l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis et le Royaume uni.
Dans le contexte lié aux rivalités, hostilités et guerres qui ont longtemps constitué la majeure partie de l'histoire des pays occidentaux, l'ex-secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Donald Rumsfeld, n'a pas hésité de ridiculiser l'Europe et de susciter son indignation lorsqu'il l'a traitée de «Vieux continent» en raison de son refus- ou incapacité- d'intervenir efficacement à la fin des années 90 au Balkan.
Directement après l'effondrement de l'Union soviétique et le lancement par Washington du projet visant à la création de l'empire américain mondial, les discours politiques aux Etats-Unis ne cachaient pas le fait de considérer deux pays alliés, l'Allemagne et le Japon, comme deux concurrents qu'il convient de leur rogner les griffes économiques, à savoir ce qu'ils ont de puissant, après leur avoir interdit la reconstruction de leurs armées respectives après leur défaite dans la Seconde Guerre mondiale.
Plus que l'Allemagne et le Japon, la France était saisie d'inquiétude face à ces discours. Notamment en raison de la menace que constituaient pour elle les projets hégémoniques des Etats-Unis, rien que parce qu'elle disposait de moyens en mesure d'entraver ces projets grâce à sa puissance économique, puis militaire en tant que pays disposant d'une force de frappe nucléaire. Ces deux facteurs s'ajoutaient au fait que, du temps du président De Gaule, la France se présentait comme une superpuissance indépendante qui refuse de se plier aux dictats des Etats-Unis.
Toutes ces donnes ont changé actuellement. On assiste effectivement à un renforcement de l'alliance militaire et économique des Etats-Unis et de l'Europe occidentale dont les expressions sont l'Alliance atlantique (Nato) et la zone de libre-échange transatlantique négociée par les deux parties depuis 2011.
Cependant, ces deux grandes entreprises sont minées par maints points de litige dont l'explosion éventuelle peut être plus prégnante que les possibilités de les résoudre.
En effet, le Nato est censé être l'instrument militaire unifié que les pays membres utiliseraient en fonction de leurs intérêts respectifs. Mais Washington monopolise l'essentiel des décisions de l'Alliance, ce qui a conduit au retrait hors du Nato de la France sous le président De Gaule en 1966. Et malgré le retour de la France qui l'a rejointe en 1993, l'Alliance n'inspire pas assez de confiance à beaucoup d'Européens. Surtout parce que les Etats-Unis dépassent cette organisation en renforçant leurs propres armées. Ceci a poussé les Européens à mettre sur pied une «Force d'intervention rapide» qui pèse sur leurs trésoreries. En outre, elle leur cause des embarras issus des pressions exercées par Washington en vue de mettre cette force sous les ordres du commandement du Nato et, par conséquent, sous ceux des Américains qui, de plus ne cessent de demander aux Européens de renforcer leur puissance militaire par l'achat de la technologie militaire américaine, et ce en dépit de la crise économique qui secoue leurs pays.
Quant à la zone de libre-échange qui devrait être installée définitivement vers la fin de 2014, elle a pour but non seulement de délivrer les deux rives de l'Atlantique de la crise qui ne cesse de s'aggraver depuis 2008, mais aussi de résoudre toute une suite de «guerres» qui se déroulent sur les plans du transport, aérien et maritime, de l'alimentation, de l'environnement et de la culture... Là aussi, de nombreux Européens, mais également d'Américains, considèrent ce projet comme contraire à leurs intérêts.
A titre d'exemple, On estime que les avantages du traité sont pour les Américains beaucoup plus importants que pour les Européens. Les salaires des premiers augmenteraient de 13 pour cent, alors que ceux des seconds n'iraient pas au-delà de 5 pour cent. Cela signifie que la zone de libre échange sera l'expression d'une forme de néocolonialisme américain imposé au «Vieux continent». En revanche, plusieurs Etats américains refusent dès maintenant d'autoriser aux produits européens de pénétrer dans leurs marchés.
Ce qui peut le mieux illustrer l'avenir des relations entre les Etats-Unis et l'Europe dans les conditions des conflits qui se déroulent dans plusieurs régions du monde, tout particulièrement en Ukraine, ce sont les répercussions négatives pour l'Europe de ce dernier conflit. Les Etats-Unis pressent les Européens à imposer plus de sanctions économiques à la Russie, bien que de telles sanctions soient fatales pour les intérêts de dizaines de milliers d'entreprises européennes qui investissent en Russie.
Dans le même ordre de faits, le gaz que les Etats-Unis s'engagent à vendre à l'Europe, au cas où la Russie cesse de le lui fournir, sera deux fois plus cher que le gaz russe. Cela veut dire que les Etats-Unis cherchent à porter atteinte à la fois à leurs concurrents russes et à leurs alliés européens !
Pour ces raisons et beaucoup d'autres, nous serait-il étrange d'entendre parler -un jour qui pourrait être proche- de l'arrivée des relations entre les alliés occidentaux à un niveau d'effondrement ouvert à la guerre ? Surtout que l'histoire de leurs relations pendant ces cinq derniers siècles ne fut qu'une histoire de guerres ?
Source : Al-Ahednews
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