A Qaraqosh, le second exode des chrétiens d’Irak

Dans l'ombre de la nuit, les hordes barbares d'Abou Bakr al-Baghdadi ont occupé et dévasté la plus grande ville chrétienne d'Irak, Qaraqosh, et les localités environnantes, poussant à l'exode quelque 100000 chrétiens et membres d'autres minorités ethniques et religieuses d'Irak.
Les extrémistes de l'«Etat islamique» sont arrivés à bord de véhicules militaires peu après minuit, mercredi, et sont entrés dans la ville sans rencontrer de résistance, les peshmergas kurdes ayant fui le champ de bataille.
Une grande partie des chrétiens de Mossoul, poussés à l'exode par les extrémistes, avait choisi de se réfugier à Qaraqosh et ses environs, en espérant que leur départ serait de courte durée. La population de la ville, initialement estimée à 50000 personnes, avait doublé. Ils ont encore été contraints à l'exil, pour la seconde fois en six semaines, prenant la direction d'Erbil et de Souleimaniya, dans le Kurdistan irakien.
Mgr Louis Sako, le patriarche chaldéen, communauté majoritaire dans la région, a évoqué «un désastre humanitaire». Mgr Joseph Thomas, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniya, a pour sa part parlé de «catastrophe» et de «situation tragique».
Selon de témoins cités par les agences de presse internationales, les extrémistes ont occupé les églises, dont ils ont enlevé les croix, et dévasté l'intérieur des lieux de culte, brisant icônes, autels et statues de la Vierge Marie et du Christ.
Ville emblématique de la présence bimillénaire chrétienne en Irak et en Orient, Qaraqosh, située au nord de Mossoul, est connue pour ses magnifiques églises, couvents et monastères, vieux de plusieurs centaines d'années. Il s'agit d'un patrimoine religieux, historique et archéologique d'une richesse inestimable.
Le silence indifférent de l'Occident
En plus de Qaraqosh, les hordes d'al-Baghdadi ont occupé les localités voisines de Tal Kayf, Bartella, Karamlesh, Makhmour et al-Kouair. Tal Kayf abrite de nombreux chrétiens mais aussi des membres de la minorité chiite Chabak. «Tal Kayf est entre les mains de l'Etat islamique. Ils n'ont rencontré aucune résistance et sont arrivés juste après minuit», a expliqué aux agences de presse Boutros Sargon, un habitant ayant fui la ville, à Erbil. «J'ai entendu des tirs dans la nuit et quand j'ai regardé dehors, j'ai vu un convoi militaire de l''Etat islamique», a-t-il ajouté.
Après la fuite des chrétiens de Qaraqosh et de ses environs, l'Irak a pratiquement perdu l'une de ses composantes structurelles, sous l'œil indifférent d'un Occident plus occupé à provoquer la Russie à ses frontières qu'à défendre les libertés fondamentales et universelles, comme il le prétend.
Début juin, l'EI avait appelé «les chrétiens à se convertir à l'islam, à payer la jezia, ou à quitter la ville, après quoi leurs maisons appartiendraient à l'État islamique». Le communiqué publié par les extrémistes les menaçait de mort s'ils ne partaient pas, ce qui les a poussés à fuir dans la panique, n'emportant avec eux que le strict nécessaire. Mais les miliciens de Baghdadi ont délesté les réfugiés de tout ce qu'ils possédaient, argent, bijoux, voitures, les laissant dans un dénuement total.
Après la fuite des chrétiens de Mossoul, les extrémistes ont pillé le siège de l'évêché syriaque-catholique dans la ville, brûlant les livres, les documents et tout ce qui se trouvait à l'intérieur du bâtiment. Ils ont occupé les églises, dont certaines ont été transformées en «tribunaux chériés», et pris les couvents, utilisés comme casernes.
Après la chute de Qaraqosh, Mgr Joseph Thomas a appelé «le conseil de sécurité de l'Onu à intervenir immédiatement». «Des dizaines de milliers de personnes terrifiées sont chassées de chez elles au moment où nous parlons, on ne peut pas décrire ce qui se passe», a-t-il lancé, sur un ton désespéré.
La persécution des minorités semble être au cœur de la stratégie de l'«Etat islamique». Quelque 200000 personnes selon l'Onu, en majorité issues de la minorité yazidi, ont été poussées à fuir dimanche lorsque les villes de Sinjar et Zamar, qui relient Mossoul à la frontière syrienne, ont été occupées par les extrémistes.
Source : Al-Ahednews
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