Séoud al-Fayçal ou la diplomatie du sabotage

Sous l'impulsion du ministre saoudien des Affaires étrangères, Séoud al-Fayçal, la diplomatie du royaume wahhabite consacre l'essentiel de ses efforts, depuis des années, à torpiller tout projet de rapprochement avec l'Iran et à saboter les tentatives de dialogue entre les différentes forces politiques au Liban.
Mercredi 19 novembre, l'ambassadeur d'Arabie saoudite aux Nations unies, Abdallah al-Moallemi, a surpris les membres du Conseil de sécurité en réclamant l'inscription du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l'Onu. Lors d'une séance consacrée à la lutte contre le terrorisme, le diplomate a également demandé que soient inclus dans cette liste des mouvements irakiens, notamment «Liwaa Abou Fadl al-Abbas» et «Assaëb ahl al-Haq», sous prétexte qu'ils combattent en Syrie. A la lumière des rapports de forces actuels, cette démarche saoudienne n'a évidemment aucune chance d'aboutir, d'autant que le Hezbollah et les groupes irakiens mentionnés jouent un rôle de premier plan sur le terrain dans la lutte contre le terrorisme de «Daech» et d'«Al-Qaïda», créés et financés par le royaume wahhabite, faut-il rappeler.
Le plus surprenant est que le lobbying saoudien contre le Hezbollah, l'un des plus grands partis politiques du Liban, représenté au Parlement et au gouvernement, intervient alors qu'une trêve médiatique non déclarée est en vigueur depuis plusieurs jours entre le parti de la Résistance et le Courant du futur. Cette trêve avait été initiée pendant le deuil d'Achoura par le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, lorsqu'il avait tendu la main au parti de Saad Hariri, l'invitant à amorcer un dialogue. Et depuis plusieurs jours, le président du Parlement libanais, Nabih Berry, s'efforce de réunir les conditions favorables à un tel dialogue, à un moment où le Liban est confronté à une menace existentielle -comme l'a encore répété vendredi le commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwaji- émanant des groupes terroristes.
Torpiller le dialogue avec le Courant du futur
Le délégué saoudien savait très bien que sa démarche n'avait aucune chance d'aboutir, vu le rapport de force au sein du Conseil de sécurité. Mais elle aura certainement contribué à torpiller les efforts de dialogue interlibanais, et c'est sans doute l'objectif recherché par la diplomatie saoudienne, sous l'impulsion de Séoud al-Fayçal. De nombreux analystes établissent aussi un lien entre la démarche inamicale de Riyad aux Nations unies et la convocation par le Tribunal spécial pour le Liban d'hommes politiques libanais, qui ont contribué, à travers leurs dépositions émaillées d'accusations infondées contre le Hezbollah, à faire monter la tension interne.
L'attitude de l'Arabie saoudite est d'autant plus étonnante que le Hezbollah avait fait preuve de sa bonne volonté en dépêchant, il y a deux mois à peine, une importante délégation parlementaire pour participer à la réception organisée à l'ambassade saoudienne à Beyrouth à l'occasion de la fête nationale du royaume.
Cependant, Séoud al-Fayçal s'est très vite employé à rejeter cette main tendue et à saboter toute tentative de rapprochement. Le 13 octobre dernier, il avait lancé une violente charge contre l'Iran, l'appelant à retirer ses forces d'«occupation» de Syrie afin de contribuer à régler le conflit dans ce pays. Après des entretiens avec son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier, le chef de la diplomatie saoudienne -très peu diplomate en réalité-, a affirmé que son pays avait «des réserves sur la politique iranienne dans la région. Dans plusieurs conflits, l'Iran est une partie du problème et non de la solution», a-t-il ajouté, accusant Téhéran d'avoir des forces en Syrie «combattant les Syriens». «Dans ce cas, on peut dire que les forces iraniennes en Syrie sont des forces d'occupation», a poursuivi Séoud al-Fayçal.
Ces propos intervenaient quelques jours seulement après une rencontre entre le prince saoudien et son homologie iranien, Mohammad Jawad Zarif, à New York, en marge de la réunion de l'Assemblée générale de l'Onu.
La réplique iranienne ne s'était pas faite attendre. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdullahian, avait estimé que «les déclarations de M. Fayçal (...) sont en contradiction avec l'ambiance qui règne dans les négociations diplomatiques entre les deux pays». «La République islamique d'Iran est le pays qui se distingue le plus, dans la région, en matière de lutte contre le terrorisme. Téhéran aide les peuples et les gouvernements irakiens et syriens, dans la lutte contre le terrorisme, dans le cadre du droit international», a ajouté le diplomate iranien.
En harmonie avec «Israël»
Les analystes ne manquent pas de souligner que les prises de position saoudiennes dans la plupart des dossiers et des crises qui secouent la région sont en totale harmonie avec celles d'«Israël». Ainsi, la demande d'inscrire le Hezbollah sur la liste onusienne des organisations terroristes est une vieille revendication de l'entité sioniste, qu'elle n'a jamais pu obtenir. Les deux pays ont également la même attitude vis-à-vis des négociations sur le nucléaire iranien entre Téhéran et les grandes puissances. Ils tentent coûte que coûte d'empêcher la conclusion d'un accord et pratiquent un lobbying très actif dans les arcanes du pouvoir américain et dans les principales capitales européennes pour le maintien des sanctions économiques et financières contre la République islamique.
Source : French.alahednews
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