Où est Amid Hammoud, le caïd des caïds?

Les révélations des caïds de quartiers (Qadat al-Mahawer) de Tripoli ont dévoilé le rôle essentiel joué par l'un des principaux responsables sécuritaires du Courant du futur, l'officier de l'Armée libanaise à la retraite, Amid Hammoud, dans les combats qui ont ensanglanté le chef-lieu du Liban-Nord ces quatre dernières années.

Lors de la vingtaine de rounds de combats qui se sont étalés sur quatre ans, les miliciens ont mis Tripoli à feu et à sang, faisant des centaines de morts et de blessés civils et quelque cinq cents blessés dans les rangs de l'Armée libanaise. Ces flambées de violences, au cours desquelles des roquettes, des canons et des mitrailleuses lourdes ont été utilisés dans des zones urbaines densément peuplées, n'avaient aucun objectif stratégique, qu'il soit militaire ou politique. Il s'agissait de réactions barbares et primitives, une sorte de vengeance contre les habitants de Jabal Mohsen, sous le prétexte de vouloir exercer des pressions sur le gouvernement syrien ou sur ses alliés libanais. Les miliciens ont pris en otage la ville et sa population, encouragés par des hommes politiques locaux enfermés dans la surenchère communautaire, et menés par des cheikhs extrémistes, inspirés par des idéologies affiliées à Al-Qaïda et consorts.
Lorsqu'en octobre dernier l'Armée a mis en œuvre un énième plan de sécurité, personne n'y croyait. Mais il est apparu, rapidement, que cette fois-ci les choses étaient sérieuses. Les principales forces politiques libanaises ont accordé une vaste couverture à l'Armée, qui a commencé à démanteler les milices de la terreur et leurs infrastructures. Du jour au lendemain, les caïds de quartiers (Qadat al-Mahawer), qui faisaient la pluie et le beau temps, sont passés dans la clandestinité.

Les langues se délient

Ils pensaient que, comme d'habitude, il leur suffira de se cacher quelques jours avant de réapparaitre pour semer de nouveau la mort et la désolation. Toutefois, la justice a émis des mandats d'amener à leur encontre et les services de sécurité ont procédé à plusieurs arrestations, ont effectué des descentes et saisi de nombreux dépôts d'armes et de munitions. Suivant les conseils du Courant du futur, et réalisant que les hommes politiques locaux étaient incapables de leur assurer une couverture, la plupart des caïds se sont rendus aux forces de l'ordre. Sans doute pensaient-ils qu'ils seraient libérés au bout de quelques jours. Mais le début des interrogatoires devant la justice militaire leur ont prouvé que le processus engagé contre eux était sérieux et qu'ils risquaient d'écoper de lourdes peines pour tous les crimes qui leur sont imputés.
Se sentant abandonnés par leurs mentors et oubliés de leurs soutiens politiques, les caïds, qui ne sont que des exécutants, ont commencé à parler. Deux d'entre eux, les plus tristement célèbres Saad al-Masri et Ziad Allouki, ont fait des déclarations fracassantes. Ils ont assuré aux juges que le dénommé Amid Hammoud, ancien officier de l'Armée libanaise et l'une des personnalités sécuritaires clé du Courant du futur, a joué un rôle central dans les événements de Tripoli. Selon leurs aveux, c'est lui qui distribuait les armes aux miliciens, y compris des canons de mortiers et des roquettes de divers calibres. C'est lui aussi qui donnait des ordres afin que Jabal Mohsen soit bombardé et que les lignes de démarcations soient embrasées.

Fuite à l'étranger?

Malgré plusieurs convocations, Amid Hammoud ne s'est toujours pas présenté devant le tribunal militaire pour y être entendu en sa qualité de «témoin», du fait que son nom a été cité à plusieurs reprises par des inculpés. S'il continue à s'absenter sans raison valable, le parquet militaire pourrait décider d'émettre un mandat d'amener contre lui, afin qu'il soit interrogé. Cette mesure tarde cependant à être prise, ce qui prouve que Amid Hammoud continue de jouir d'une couverture politique efficace.
Le Courant du futur affirme que Amid Hammoud, qui a démissionné de l'armée dans le sillage des événements du 7 mai 2008, n'a jamais été affilié au parti. Aussi, le «Moustaqbal» ne saurait être tenu responsable de ses agissements ou de ses prises de positions. Mais tout le monde sait que cet ancien officier est le responsable militaire et sécuritaire du Courant du futur au Liban-Nord, et qu'il se présente lui-même sous cette étiquette. Il s'est efforcé, ces trois dernières années, de fédérer les groupes armés de Bab el-Tebbané, aux allégeances multiples, en une seule entité. Il n'y est jamais parvenu, mais a conservé une grande influence auprès des miliciens, qu'il fournissait en armes et en argent.
Selon certaines rumeurs, Amid Hammoud aurait quitté le Liban car sa comparution devant les juges aurait été fort embarrassante pour le Courant du futur, tant il connait des secrets compromettants.
Pour régler définitivement le problème de Tripoli et empêcher une récidive des tragiques événements qui l'ont secoué, la chaine de responsabilité doit aller aussi haut qu'il le faut.

Source : French.alahednews