Des bastions de «Daech» au cœur de l’Europe

Par Samer R. Zoughaib
Aussi bien dans l’affaire des migrants que dans la lutte contre le terrorisme, les pays européens courent d’échec en échec. Si l’opinion publique occidentale découvre sur les écrans de télévision le drame vécu par des dizaines de milliers de personnes tentant de rejoindre l’Europe par tous les moyens, elle est bien moins informée sur le danger terroriste qui guette le Vieux continent, surtout que «Daech» y disposerait de bastions, notamment dans les Balkans.
La presse européenne a publié, ces derniers mois, une série d’enquêtes et de reportages faisant état de la présence d’une forte mouvance extrémiste dans plusieurs pays des Balkans. Malgré cela, ces révélations n’ont pas reçu l’importance qu’elles méritaient, bien que les services de renseignement de plusieurs pays disposent d’assez d’informations pour mesurer la gravité de ce phénomène. En effet, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et le Kosovo, abritent de véritables bastions du groupe terroriste «Etat islamique» (EI) et servent de plate-forme pour l’entrainement et le transfert de combattants vers la Syrie et l’Irak, et vice-versa. Cette région, notamment la Bosnie-Herzégovine, donne l'accès à tous les pays méditerranéens, y compris la Syrie et les pays de l'Afrique du Nord, et se situe sur le chemin du retour pour les extrémistes occidentaux ayant combattu dans les rangs de «Daech».
D’ailleurs, la Bosnie-Herzégovine est un terrain fertile pour le développement d’une mouvance extrémiste, en raison d’une infrastructure propice, datant de deux décennies. Lors de la guerre civile en Yougoslavie, dans les années 1990, le bataillon El-Moudjahid, intégrée à la 7e brigade du 3e corps de l’armée bosniaque, a accueilli dans ses rangs quelque 5000 volontaires étrangers, dont des centaines d’éléments jugés extrémistes.
Après la fin de la guerre, qui s’est achevée par la création de la Bosnie-Herzégovine, une partie de ces combattants est restée sur place et s’est intégrée dans la société, sans pour autant renoncer à ses convictions fanatiques. Au contraire, celles-ci se sont renforcées et ont attiré de nouvelles recrues, grâce au prosélytisme wahhabite, véhiculé par le dollar, l’arme de prédilection de l’Arabie saoudite. Des imams, formés selon les préceptes wahhabites, ont pris le contrôle de nombreuses mosquées pour y répandre leurs croyances. C’est dans ce terreau que «Daech» s’implante, s’épanouit et recrute.
«Daech» achète des villages
Il y a près d’un an, les services de sécurité bosniaques ont arrêté un imam de 42 ans, Bilal Bosnic ainsi qu’une dizaine de personnes, soupçonnés de recruter des combattants pour le compte de «Daech». Par la même occasion, d’importantes quantités d’armes, de munitions et de matériel militaire ont saisies.
En février 2015, après la publication par la presse de photographies montrant des drapeaux de l’EI accrochés aux fenêtres des maisons, la police a fait une descente dans le village de Gornja Maoca (nord-est). Cette localité, située près de la ville de Brcko, est surnommé La «Mecque du wahhabisme» en Bosnie-Herzégovine.
En mai dernier, des médias bosniaques ont rapporté que Harun Mehicevic, établi en Australie, où il dirigeait le centre islamique Al-Furqan, accusé d’avoir abrité des individus impliqués dans des affaires de terrorisme, avait acheté deux hectares de terrains dans le village d’Osve.
Intéressé par cette information, The Sunday Mirror britannique a dépêché sur le terrain deux de ses reporters, qui sont revenus avec l’impression que ce village isolé, situé à environ 100 km de Sarajevo, est effectivement devenu un bastion de «Daech», qui y aurait installé un camp d’entraînement. Selon les journalistes britanniques, au moins 12 extrémistes formés à Osve sont partis en Syrie et 5 d’entre eux y auraient trouvé la mort. Un habitant, qui a requis l’anonymat, a confié qu’il entendait «régulièrement des coups de feu provenant de la forêt, pendant de longues périodes. Cela arrive chaque semaine.»
Interrogé par radio Sputnik, Nikola Mirkovic, auteur et chercheur indépendant, spécialiste des Balkans, confirme que la Bosnie-Herzégovine est une sorte de bastion de «Daech» en Europe. «Aujourd'hui, il y a des camps d'entraînement, des villages même qui pratiquent la même loi qu'en Arabie saoudite, sauf que nous parlons de l'Europe. Ce n'est qu'une partie émergée de l'iceberg.»
Selon des informations concordantes, quelques 500 personnes originaires des Balkans auraient rejoint les «Daech» Irak et en Syrie. Ils viendraient principalement d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Bulgarie, de Croatie, du Kosovo, de Serbie et de Slovénie. Certains d’entre eux auraient été entraînés à commettre des attentats sur le territoire européen.
Quatre millions d’armes
Le quotidien autrichien Kronen Zeitung assure que les Balkans présentent une faille importante dans la sécurité européenne. La plupart des armes utilisées par les terroristes dans l’Union européenne proviennent en effet de cette région, écrit le journal. En témoigne l’arsenal saisi par la police française après les attentats de Paris, début janvier.
L’agence européenne de police Europol estime qu’il y aurait plus de quatre millions d’armes en circulation dans le marché noir balkanique. «Il est assez facile de se procurer ces armes», affirme sous couvert d’anonymat un expert de l’Onu. «Des gangs se sont spécialisés dans ce commerce. Les armes suivent les mêmes routes que la drogue vers l’UE.»
Dans un article publié le 20 juillet dernier Laurent Lagneau affirme que la situation économique désastreuse dans les Balkans facilite le recrutement de combattants par les groupes terroristes. Citant un rapport du King’s College de Londres, l’auteur ajoute que «ce phénomène ne concerne pas la seule Bosnie-Herzégovine mais d’autres pays des Balkans, comme l’Albanie et le Kosovo.»
Laurent Lagneau précise que dans le cas de la Bosnie, l’organisation Atlantic Initiative a estimé, dans un rapport rendu en juin, à 192 le nombre de Bosniens partis en Syrie et en Irak pour rejoindre l’EI, dont 156 hommes et 36 femmes. «Au moins 48 seraient retournés chez eux, ce qui, étant donné l’expérience du combat qu’ils ont acquise posent une menace directe pour la Bosnie Herzégovine mais aussi pour la région et au-delà», souligne-t-il.
Au total, selon le rapport du King’s College, au moins 600 personnes originaires des Balkans seraient concernées par les «filières jihadistes». Mais il reste très difficile d’avoir une idée exacte du nombre d’individus impliqués.
Au Kosovo, poursuit-il, «135 personnes faisaient ainsi l’objet de poursuite judiciaires pour des faits de terrorisme. Et en juillet, 5 hommes ont été arrêtés in extremis alors qu’ils s’apprêtaient à attaquer le système d’approvisionnement en eau potable de Pristina. Des armes, des munitions et des documents concernant l’EI ont été saisis.»
Toujours en retard d’une mesure, les gouvernements européens devraient réaliser la gravité de la situation et prendre les bonnes décisions. Ce n’est pas la Turquie de Recep Tayyeb Erdogan, qui a fermé les yeux, voire encouragé pendant cinq ans, les activités de «Daech» sur son territoire, qui va combattre le terrorisme. Mais l’Armée arabe syrienne, qui a déjà perdu, sur le champ d’honneur, cinquante mille hommes, pour lutter contre ce phénomène barbare qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire.
Source : French.alahednews
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