Le 14-Mars inquiet... pour les takfiristes du Qalamoun

Par Samer R. Zoughaib

Réagissant aux propos de sayyed Hassan Nasrallah au sujet de la bataille du Qalamoun, les ténors du 14-Mars semblaient plus soucieux du sort des takfiristes que de la stabilité et de l'intégrité territoriale du Liban.

Le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a consacré une partie de son intervention télévisée, mardi soir, à la situation dans le Qalamoun.
Cette question est d'une importance vitale pour l'avenir du Liban. La présence aux frontières Est de plusieurs milliers de takfiristes, armés jusqu'aux dents, constitue un grave danger pour la stabilité du pays. Ils menacent à tout instant de déferler sur les villages libanais, où ils risquent de commettre des massacres à caractère confessionnel. Ces terroristes, qui appartiennent à «Daech» et au «Front al-Nosra», la branche syrienne d'«Al-Qaïda», agissent comme une épée de Damoclès. Ils paralysent la vie économique, entravent le développement de la plus vaste région du Liban et constituent un obstacle à la prospérité. A cause d'eux, l'activité économique et culturelle dans les régions frontalières tourne au ralenti, et, pour la troisième année consécutive, le célèbre festival international de Baalbeck sera vraisemblablement délocalisé.
La préservation et la consolidation de la stabilité du Liban passe, inéluctablement, par l'anéantissement de ces groupes, qui menacent la formule libanaise basée sur le pluralisme et la convivialité entre les différentes communautés.
C'est en partant de ces principes, et en tant que patriote authentique, que sayyed Nasrallah a jugé que la bataille du Qalamoun est inévitable. C'est un combat qui s'inscrit totalement dans le cadre des intérêts supérieurs du Liban. C'est pour cela que le leader de la Résistance a nié tout lien entre cette bataille et les tentatives de soutenir le gouvernement syrien. Il a souligné, à cet égard, que le déclenchement d'une offensive contre les takfiristes dans le Qalamoun avait été envisagé avant la chute d'Idleb et de Jisr al-Choughour entre les mains des extrémistes. «J'avais annoncé qu'une échéance surviendrait après la fonte des neiges. Et j'avais tenu ces propos avant la prise d'Idlib et de Jisr el-Choughour. Dire que la bataille du Qalamoun répond à un besoin urgent, c'est tenir des propos vides, même si les bénéfices d'une éventuelle victoire sont indiscutables», a indiqué le chef du Hezbollah.

Des takfiristes belliqueux

Sayyed Nasrallah a ajouté que l'annonce qu'il avait faite de «l'échéance après la fonte des neiges» était motivée par sa «connaissance des intentions des groupes armés basés dans le Qalamoun et dans l'Anti-Liban de mener des agressions afin d'inverser les rapports de force dans cette zone. Preuve en est, depuis la fonte des neiges, ils multiplient les rapts et meurtres à Ersal. Leurs intentions sont claires».
La menace représentée par les groupes takfiristes dans le Qalamoun n'est pas hypothétique. Elle est palpable, réelle, et se manifeste par une agression effective et permanente. «Cette agression s'exprime par les attaques menées par les groupes armés contre des positions qui leur font face, l'occupation de vastes espaces libanais dans le jurd de Ersal, les agressions contre l'armée libanaise, la détention de soldats libanais, le bombardement de la zone frontalière, a précisé sayyed Nasrallah. Une solution à ce problème s'impose. Notre décision est prise, et ne rien faire serait un manquement à nos responsabilités».
Sur le terrain, l'armée libanaise adopte des positions défensives dans la partie nord faisant face au Qalamoun, notamment à Ras Baalbeck et Qaa. Les expériences passées ont prouvé que l'Armée n'a pas les moyens suffisants pour tenir l'ensemble du front, qui s'étend sur une soixantaine de kilomètres. On se souvient qu'en août dernier, les takfiristes ont occupé par surprise Ersal, où ils ont enlevé une quarantaine de soldats et de policiers, avant de s'en retirer.

Les positions ambigües du 14-Mars

Sayyed Nasrallah a également évoqué ce point. «Il est clair que l'Etat est incapable de faire face à cette menace, sinon il l'aurait fait», a-t-il affirmé, précisant toutefois que «si l'État assume cette responsabilité, nous le soutiendrons. Nous sommes même prêts à lui servir d'avant-garde».
Tout en laissant entendre que la bataille du Qalamoun aura lieu, sayyed Nasrallah n'a donné aucun détail sur sa date. «Certes, il y a des indications et des préparatifs que les gens peuvent voir et commenter. Pour notre part, nous n'avons rien révélé, ni sur le lieu et la date de la bataille ni sur ses objectifs sur le terrain. Nous n'avons rien dit qui puisse nous lier. Lorsque la bataille commencera, tout le monde le saura automatiquement», a-t-il ajouté.
Attendre qu'une unanimité interlibanaise se dégage autour de la pertinence d'une offensive contre les takfiristes serait une grave erreur. Cela donnerait aux extrémistes un temps précieux pour qu'ils renforcent leurs positions, acheminent des renforts en hommes et en armes et continuent leur abominable chantage sur les Libanais à travers l'affaire des militaires otages. De plus, ce consensus pourrait ne jamais être trouvé, car les intentions d'une partie de la classe politique libanaises sont ambigües.
En effet, les réactions qui ont suivi l'intervention de sayyed Nasrallah suscitent de nombreuses interrogations et laissent penser que le 14-Mars craint pour le sort des extrémistes qui menacent les frontières du Liban. «Il (sayyed Hassan Nasrallah, ndlr) estime que le Hezbollah remplace (l'Etat) et fera la guerre du Qalamoun à sa place», a réagi le chef du Courant du futur, Saad Hariri, dans un communiqué publié quelques instants après la fin de l'intervention télévisée du leader de la Résistance. « (Sayyed Hassan) Nasrallah présente la guerre du Qalamoun comme étant inévitable et affirme vouloir en déterminer l'heure et le lieu en partant du principe qu'il s'agit d'un devoir moral, national et religieux. Nous lui disons: vous vous êtes attribué une mission qui n'a rien de moral, de national ou de religieux. Vous vous jouez du sort d'un Liban qui est au bord du gouffre.»
La réaction de M. Hariri laisse penser que l'ancien Premier ministre est plus soucieux du sort qui attend les takfiristes que de la stabilité du Liban. Y'a-t-il un seul Libanais patriote qui croit que la concentration de plusieurs milliers d'extrémistes fous furieux aux frontières ne constitue pas un danger pour l'unité et l'intégrité du pays?
Le chef des Forces libanaises (FL) Samir Geagea, a tenu des propos similaires. «Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer de quelles guerres défensives parle sayyed Nasrallah? Et de toute manière qui l'a chargé de déclarer des guerres défensives au nom des Libanais?», s'est interrogé M. Geagea via Twitter.
Telles sont les positions publiques des ténors du 14-Mars, qui ne semblent pas du tout se réjouir des moments difficiles qui attendent les takfiristes. En privé, les positions de cette trempe d'hommes politiques sont encore plus claires. Selon le quotidien libanais Ad-Diyar, certaines figures politiques du 14-Mars ont souhaité la victoire des takfiristes dans le Qalamoun lors de la prochaine bataille. Citant un opposant syrien qui «se déplace entre Istanbul et un pays arabe, parfois via l'aéroport de Beyrouth», le journal écrit: «La coalition de l'opposition syrienne a reçu des appels de parties libanaises influentes, qui ont apporté leur soutien aux groupes armés dans le Qalamoun face à l'armée syrienne et aux combattants du Hezbollah. L'affaire ne s'arrête pas là. Ces parties ont insisté sur la victoire des groupes armés, car toute autre perspective constituerait pour elles une défaite.»
La prochaine bataille du Qalamoun, au cours de laquelle des Libanais vont sacrifier leurs vies pour défendre le territoire national, sera une occasion pour identifier les vrais patriotes... exactement comme cela fut le cas lors de la Résistance contre l'occupation israélienne.

Source : French.alahednews