L’immuable et le muable avant et après l’accord sur le nucléaire iranien

Par Akil Cheikh Hussein
Tant que chaque partie se cramponne à ses convictions et à ce qu'elle croit être dans son intérêt, rien ne peut être –sous l'angle du muable et de l'immuable- plus immuable, dans la conjoncture politique de la région et du monde, que l'état d'antagonisme qui règne entre les Etats-Unis et l'axe de l'hégémonie, d'une part, et l'Iran et l'axe de la Résistance, d'autre part.
Si, du premier abord, il apparait que la signature de l'accord sur le nucléaire iranien constitue une entorse à cette règle et introduit un changement du genre que les observateurs ont l'habitude de considérer comme un grand tournant avec un avant et un après qui sont aux antipodes l'un de l'autre, eh bien cela n'appartient qu'à la sphère des illusions. Il arrive effectivement à celles-ci de prospérer grâce à l'établissement d'analogie entre un événement situé ici et maintenant et un événement situé à un temps et dans un lieu différent et qui, de plus, est l'œuvre d'autres acteurs.
Il est vrai que l'accord sur le nucléaire iranien est l'événement le plus saillant à l'heure actuelle sur les deux plans régional et international. Mais est-ce pour cela que nous devrions partager la ministre des affaires étrangères de la Commission européenne, Federica Mogherini, son optimisme lorsqu'elle a dit que cet accord est un signe d'espoir pour le monde entier? Ou pour être sur la même longueur d'onde avec la Douma russe en considérant que cet accord annule toute possibilité de guerre au Moyen-Orient?
Un accord dans un contexte différent
Considérer l'accord comme un miracle qui ouvre une nouvelle ère dans la région et le monde nécessite une explication. Ce qui est voulu par la Douma est un souhait d'éviter la guerre à un moment où la conduite des Américains et leurs alliés est dominée par leur fameux penchant guerrier.
Quant à Mogherini, elle veut coincer l'accord dans le contexte des grands événements qui ont eu lieu pendant la seconde moitié du XXe siècle et constitué des points de référence sur la ligne du déclin de l'ex-système socialiste et du mouvement de libération mondial face au triomphe de l'empire américain et ses alliés: L'ouverture chinoise après la visite du président Nixon à Pékin au début des années soixante-dix et l'émergence de ce qu'on appelle le «communisme capitaliste», la politique d'entente et de cohabitation pacifique entre l'ex-Union soviétique et l'Occident et qui a traîné jusqu'à la Perestroïka et la Glasnost et, enfin, l'ouverture arabe avec les accords de Camp David et d'Oslo qui ont abouti aux alliances actuelles entre l'entité sioniste et plusieurs régimes arabes et mouvements takfiri.
En d'autres termes, l'axe de l'hégémonie mise sur une normalisation des relations avec l'Iran sur la base des acquis économiques et financiers qui seraient réalisés par Téhéran ainsi que sur le renforcement des investissements et l'accès de l'Iran sur le marché mondial. On suppose que tout cela conduira à un état d'identification iranienne à l'Occident et aux valeurs occidentales et que cette identification serait la condition de l'éclatement d'une révolution de couleur ou d'un printemps iranien qui renversera le régime islamique et réalisera le but que l'axe de l'hégémonie n'a pas pu réaliser tout au long de quarante ans de guerre multiformes et multicolores lancées contre l'Iran.
A ce propos, il est à remarquer qu'au moment où l'accord sur le nucléaire occupe la première place parmi les événements régionaux et mondiaux, les mass médias occidentaux ont commencé à lancer une campagne de propagande sous le titre des droits de l'homme en Iran… C'est comme si l'accord sur le nucléaire devrait pousser l'Iran à adopter le point de vue de l'Occident en ce qui concerne cette question et, par conséquent, déposer une demande de rejoindre l'Union européenne et l'Alliance atlantique!
Le grand tort de ce mode de pensée est qu'il ne s'aperçoit pas de la contradiction nette de cette hypothèse qui prend racine dans les profondeurs de la croyance à infaillibilité de la compréhension occidentale de l'histoire, et à son supplément qu'est la fausse croyance à la suprématie occidentale.
… Et des solutions militaires
L'hypothèse en question ne prend pas en compte le fait que les négociateurs américains et iraniens insistent à placer les négociations dans les limites du seul dossier nucléaire. Elle ne s'aperçoit non plus de l'Etat d'antagonisme qui se poursuit en ce qui concerne les autres dossiers, ce qui veut dire que les positions n'ont en rien changé pour ce qui est des dossiers régionaux. Ils sont donc dépendants des conditions qu'imposent les rapports de forces actuels et futurs.
A partir des dernières déclarations iraniennes et américaines, on peut dire avec confiance que l'antagonisme entre les deux parties et la plus grande donnée géopolitique immuable dans la région et le monde. Il se trouve aujourd'hui dans la même situation où il se trouvait au début des années quatre-vingt. Le leader de la Révolution islamique, l'imam Ali Khamenei affirme que la politique de l'Iran «ne changera pas face à l'arrogance du gouvernement américain» et le président américain, Barak Obama, insiste de son côté sur ce qu'il a appelé les défis iraniens aux intérêts et aux valeurs des Etats-Unis.
Il est indiscutable que les solutions militaires sont, parmi les modalités d'échange avec ceux qui osent refuser l'hégémonie de l'Empire, les plus prisées par les élites américaines. Pourtant, les Américains ne sont plus dans une situation leur permettant d'avoir recours à la force dans une confrontation directe avec l'Iran et l'axe de la Résistance. Mais ils trouvent toujours des forces locales et régionales qui se battent pour eux et qui se brûlent sur l'autel des intérêts américains.
C'est à la lumière d'une telle donnée qu'il faut comprendre les récentes déclarations d'Obama affirmant que les monarchies du Golfe devraient renforcer leur puissance militaire pour faire face à la menace iranienne.
Source: french.alahednews
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